De tout temps et de plus en plus fréquemment, de fortes pluies de
courte durée ou des épisodes pluvieux pouvant durer plusieurs jours entraînent des
désordres considérables pour les populations et les infrastructures. Les plus
médiatisées sont les inondations provoquées par les rivières ou torrents des
régions méditerranéennes dont les vitesses de montée en crue varient de
quelques dizaines de minutes à plusieurs heures.
Ces phénomènes météorologiques ont également d’autres conséquences,
aussi dramatiques, comme les coulées de boue ou les instabilités de pentes. De
nombreux facteurs contribuent à l’ampleur des phénomènes et des dégâts, dont
beaucoup sont imputables à l’urbanisation du lit majeur des cours d’eau.
Les ouvrages d’art sont particulièrement concernés par ces phénomènes
et peuvent subir de graves désordres, notamment en raison d’affouillements
importants pouvant conduire à la ruine des ouvrages. La simple présence d’un
ouvrage et de ses remblais d’accès dans le lit d’une rivière est susceptible
d’aggraver les conséquences de ces phénomènes. En effet, l’obstacle au libre
écoulement des eaux qu’ils constituent peut amplifier la montée des eaux et
l’inondation de zones en amont.
Même en dehors de ces circonstances exceptionnelles, l’ouvrage peut par
sa seule présence perturber l’écosystème général d’une vallée en modifiant les paramètres
physiques liés à l’écoulement des eaux et en générant un risque de pollution du
site.
La réglementation mise en place ces dernières années prend en compte
l’ensemble de ces facteurs.
Face aux risques liés aux crues, des Plans de Protection contre les
Risques d’Inondation sont prescrits dans toutes les zones sensibles.
Face aux risques sur l’environnement, la loi sur l’eau (loi n° 92-3 du
3 janvier 1992) réglemente également toute modification provisoire ou
définitive des conditions hydrauliques des cours d’eau.
La réglementation ne suffit pas à elle seule à éviter de nouvelles
catastrophes écologiques, encore faut-il qu’elle soit bien comprise et
correctement appliquée.
Par ailleurs, dans le souci de préserver la ressource en eau et les
milieux aquatiques, et de ne pas mettre en péril la stabilité de l’ouvrage, ou
des ouvrages provisoires nécessaires à sa construction, le projeteur doit
prendre en compte, dès la phase amont des études, l’ensemble des données et
contraintes liées au cours d’eau. Or, dans bien des cas, on constate que les
études d’impact sur le cours d’eau sont engagées trop tardivement par rapport
aux études générales de l’ouvrage et que les études hydrauliques et
environnementales sont inconsistantes voire oubliées. Cette mauvaise pratique peut
au mieux conduire à la remise en cause du projet, et au pire au choix d’une
solution inappropriée. On peut noter également que des études hydrauliques même
insuffisantes, sont rarement remises en cause lors de l’exécution de l’ouvrage.
Ce guide a été élaboré pour répondre à l’ensemble de ces
problématiques. Il s’adresse à la fois aux maîtres d’œuvre et maîtres
d’ouvrage, ainsi qu’aux concepteurs d’ouvrages d’art ; il a pour vocation à les
assister dans la conception des ouvrages de franchissement de cours d’eau et de
leurs ouvrages annexes, tels que les remblais d’accès. Son but est d’aider à la
compréhension des cours d’eau et de leurs hydrosystèmes, de présenter l’ensemble
des volets sur lesquels l’interférence entre l’ouvrage et le milieu naturel est
à prendre en considération, avec réciprocité possible des impacts.
Ce guide ne traite pas des buses et petits rétablissements hydrauliques,
ni des ponts-canal.
Les différents volets concernent l’hydraulique, la morphodynamique,
l’hydroécologie et la navigation fluviale. Ce guide présente les démarches à
conduire, des études amont jusqu’à l’exploitation de l’ouvrage. Il aide
notamment à prendre en considération, dès le démarrage des études,
l’intégration harmonieuse de l’ouvrage dans la nature, à piloter les études
d’impact et à conduire le projet. Il ne vise pas à reprendre ni à remplacer
l’ensemble des ouvrages spécialisés sur les divers champs qu’il aborde : il fournit
pour cela une bibliographie étoffée, vers laquelle le lecteur désireux d’approfondir
son approche pourra se tourner. Il ne développe pas notamment les diverses
méthodes de calcul, pour certaines expérimentales, pour d’autres statistiques
et plurielles, dont leur applicabilité peut dépendre fortement du contexte,
mais incite le maître d’œuvre à recourir à des spécialistes pour les mettre en
œuvre. Si ce guide permet, à minima, de clarifier les idées du lecteur et de
lui faciliter le dialogue sur le projet avec les experts et les citoyens, il
aura atteint son but.
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